Contexte et annonce de reconnaissance du passé
La Fondation du Jardin botanique Flore-Alpe, reprise par la commune d’Orsières et l’État du Valais depuis 2008, a décidé d’assumer publiquement ce passé lié à l’époque de l’occupation allemande. Cette démarche s’accompagne du remplacement du nom du fondateur par une dénomination officielle: la Fondation du Jardin botanique Flore-Alpe.
Selon Sofia de Meyer, directrice de la Fondation, reconnaître ces faits peut contribuer à transformer une mémoire difficile en engagement pour des modèles de société plus justes, inclusifs et résilients.
La décision de renommer l’institution intervient parallèlement à une démarche de transparence autour des origines du jardin.
Des rapports indépendants et leurs conclusions
Depuis 2023, la fondation, qui est sous la tutelle de la commune et de l’État, a mandaté un bureau valaisan spécialisé en recherche historique pour éclairer les origines du jardin et valoriser son histoire.
Le premier rapport, remis en mars 2024, documente la participation de Jean-Marcel Aubert à l’aryanisation d’entreprises en mains juives au début de la guerre, notamment les Galeries Lafayette.
À la suite de ces conclusions, un comité de recherche et d’éthique a été créé par la fondation environ un mois plus tard, chargé d’une analyse plus approfondie. Le rapport final de ce comité a été remis en mai dernier.
Un homme avide et sans scrupules
Né en 1875 dans le canton de Vaud, Jean-Marcel Aubert fonde Aubert & Cie en 1898 et développe son activité à l’échelle internationale parallèlement à d’autres activités. Le dossier d’archives décrit un homme dynamique et intelligent, mais aussi animé par l’appât du gain et capable de manipuler des partenaires pour atteindre ses buts.
Fortune et activités entre 1940 et 1944
Lors de la Seconde Guerre mondiale, ses affaires prennent une ampleur sans précédent et s’effectuent presque exclusivement avec les autorités allemandes d’occupation, depuis la France. Le rapport évoque notamment l’achat et la vente de matériel automobile pour le compte allemand, la fabrication de matériel de guerre et la participation à une société de construction œuvrant au bétonnage du Mur de l’Atlantique.
Le 31 août 1944, Aubert est arrêté et incarcéré; il échappe à une première fois à l’hôpital et est arrêté une seconde fois, avant de s’évader à nouveau. Il regagne sa Suisse natale en mai 1945 et est jugé à trois reprises par la Cour de Justice de la Seine entre 1947 et 1950; ses biens sont confisqués.
Des fonds dédiés au jardin et leur origine
Parmi les questions soulevées figure celle concernant les fonds employés à la création du jardin par l’homme qui s’est attaché à Champex-Lac à partir de 1927. Malgré des zones d’ombre, Sofia de Meyer rappelle que l’homme nourrissait une véritable passion pour la botanique.
La création du parc précède la guerre et semble indépendante des activités illicites qui l’ont intéressé durant le conflit. Quant à la dotation de 500 000 francs versée en 1965 à la fondation, elle apparaît postérieure et ne semble pas liée aux actions de l’industriel durant la guerre; la fortune accumulée pendant le conflit dépassait largement ce montant, et aucun élément ne sert légalement ou éthiquement à une restitution.