«Je n’ai jamais imaginé que je pouvais mourir du cancer du sein»

Genève

L’augmentation des cancers du sein chez les jeunes femmes est multifactorielle.
Les scientifiques ne savent toutefois pas quels facteurs contribuent le plus à
cette hausse.

L’augmentation des cancers du sein chez les jeunes femmes est multifactorielle.
Les scientifiques ne savent toutefois pas quels facteurs contribuent le plus à
cette hausse.

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«J’avais 28 ans. J’étais mariée depuis quinze jours. On organisait notre voyage
de noces.» En octobre 2021, rien ne préparait Laura à ce qui l’attendait. «J’ai
senti une boule dans mon sein
,
mais ça ne m’a pas inquiétée. J’en ai même plaisanté. J’ai dit à mon mari: «J’ai
une couille qui me pousse dans le sein.»» Face à l’insistance de son compagnon,
elle passe des examens médicaux. Quelques jours plus tard, le couperet tombe.
«Ma gynécologue m’annonce: «T’as un cancer du sein. Tu vas en chier pendant six
mois, mais heureusement, ça se soigne très bien.»

Comme Laura, Leah fait partie des jeunes femmes (moins de 40 ans, selon la
médecin) à qui l’on a diagnostiqué un cancer du sein. «C’est l’envie de mon
quatrième enfant qui m’a conduite chez la gynécologue. Elle m’a enlevé mon
stérilet et a fait un contrôle. C’est là qu’elle a senti une boule.» C’était en
juin 2024, la Genevoise de 36 ans tombe des nues: «Je ne coche aucune case. Je
ne bois pas, je ne fume pas, je n’ai pas d’antécédents familiaux. Rien…»

PLUS 74% EN 30 ANS

En Suisse, 5% des cancers du sein touchent des femmes de moins de 40 ans. «Selon
une étude américaine, depuis 1930, l’incidence a presque doublé aux Etats-Unis.
En Suisse, le phénomène s’observe aussi, confie la docteure Anita Wolfer,
responsable du Centre du sein des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Entre
1990 et 2022, la fréquence des diagnostics de cancer du sein chez les jeunes
femmes a crû de 74%.» Une hausse qui concerne surtout les cancers
hormonosensibles, ceux qui captent les hormones féminines et prolifèrent. «Il y
a une multitude de facteurs, mais actuellement, on ne sait pas lesquels
contribuent réellement à cette hausse. L’exposition aux perturbateurs
endocriniens voulue et non voulue y est probablement pour quelque chose. On sait
que la pilule augmente légèrement le risque. La grossesse tardive aussi. Il y a
certainement des facteurs environnementaux également.»

Cette année, les HUG ont décidé de mettre cette thématique au cœur de la
campagne de sensibilisation d’octobre rose. Plusieurs événements

sont prévus, à commencer par des stands d’information, jeudi prochain.

En Suisse, le cancer du sein touche une femme sur neuf au cours d’une vie. Le
dépistage commence uniquement à l’âge de 50 ans.

En Suisse, le cancer du sein touche une femme sur neuf au cours d’une vie. Le
dépistage commence uniquement à l’âge de 50 ans.

Know your Lemon

> «Le plus difficile a été la mastectomie. J’ai hurlé!»

Leah, atteinte d’un cancer du sein à 36 ans.

«J’avais un cancer stade 4, hyper agressif. Mais je n’ai jamais imaginé que je
pouvais en mourir. Dans ma tête, je faisais juste l’expérience du cancer»,
raconte Leah. Après six mois de chimiothérapie, les médecins annoncent à cette
maman de trois garçons qu’il n’y a plus de traces de la maladie dans son corps.
«Le plus difficile a été la mastectomie (ndlr: ablation du sein). J’ai crié!
J’ai hurlé et j’ai claqué la porte. On m’avait assuré que ça ne serait pas
nécessaire. La chimio, il y a un côté réversible, mais avoir le corps mutilé,
c’est très dur à accepter. Ces séquelles physiques me rappellent que ce n’était
pas un mauvais rêve.»

UN BÉBÉ MALGRÉ LA MALADIE

Pour Laura, on sous-estime trop l’hormonothérapie (ndlr: ménopause artificielle
durant cinq à dix ans, selon les cas). «Après la chimio, la vie reprend son
cours normalement. Mais en réalité, toi tu continues de prendre un cachet tous
les matins et de te faire piquer une fois par mois. C’est un traitement très
lourd.»

En 2024, la jeune femme va vivre un petit miracle. «On m’a autorisée à arrêter
mon traitement pour avoir un bébé. C’est assez récent de pouvoir faire ça.» Sa
fille est née en mars dernier et vient de fêter ses six mois. «J’ai même pu
l’allaiter», s’émerveille la jeune maman. «Le cancer m’a permis de rencontrer
des personnes merveilleuses, notamment à la Fondation OTIUM
. Je me suis fait beaucoup d’amies. Aujourd’hui, cette
expérience fait partie de moi.»

SOUTENIR LES PATIENTES

«Beaucoup de patientes que je traite ont entendu: «Mais vous êtes trop jeunes
pour avoir un cancer.» C’est faux!, martèle Anita Wolfer. Ce n’est pas un
argument. Il faut une réponse médicale avec un examen si nécessaire. Le but
n’est pas de faire paniquer, car heureusement le cancer du sein avant 40 ans
reste rare. Mais nous voulons rendre attentif le corps médical au fait que ça
existe et soutenir les patientes dans leur démarche. Leur dire: «Vous avez
raison. Il faut insister. On vous entend!»»

CANCER PLUS MORTEL CHEZ LES JEUNES

«C’est essentiel de connaître son corps, de l’observer, et si l’on voit un
changement qui dure plus de 2-3 semaines, de s’assurer que tout va bien. Les
données que nous avons actuellement indiquent que les jeunes femmes atteintes
d’un cancer du sein hormonodépendant ont un risque plus élevé de mourir de la
maladie. En moyenne, une femme sur cinq atteintes d’un cancer durant leur vie
finit par en mourir, détaille la responsable du Centre du sein. A l’échelle
suisse, cela représente environ 1400 décès par an sur 6600 femmes nouvellement
diagnostiquées.»