À Genève, jusqu’à la fin des années 1980, une pratique séculaire invitait les élèves des Beaux-Arts à dessiner des cadavres. Claudia Renna était de celles et ceux qui ont observé, au fil des séances, le corps écorché d’un jeune homme sorti du formol.
L’artiste raconte cet épisode à Julien Burri et promet de lui montrer des croquis datant d’environ trente ans. Très vite, l’écrivain ressent un froid et un frisson; il pressent une forme de familiarité entre le vivant et le mort qui échappe à toute médiation du geste artistique.
CORPS-À-CORPS
Une approche pluridisciplinaire
Le livre Ce que peut un cœur se présente comme une enquête fragmentée qui explore les signes d’un dialogue possible entre deux corps. L’ouvrage associe mémoire familiale, apprentissage de l’anatomie et fiction pour tenter de recomposer le destin — et peut-être l’âme — de ce corps inconnu.
Écriture et perception
L’auteur indique que l’écriture l’aide à penser le monde, le corps, la mort et l’absence, et que le livre se construit au fil de son engagement avec ce sujet.
Connexion corps et réalité
Pour appréhender la fascination suscitée par ce lointain inconnu, Burri s’approche des corps en collaboration avec Vincent Barras, médecin et historien. Ensemble, ils participent à des leçons d’anatomie et Burri ose toucher la peau et les entrailles d’un mort qui leur est présenté.
Dans cette quête, les neurones miroirs, qui déclenchent l’empathie, l’incitent à relater aussi des fragments de son propre corps: la zona, des tremblements, une méningite, et des images évoquant des corps dans l’histoire de l’art, de Rembrandt à Hodler.
Rythmé par des dates, le récit prend la forme d’un journal intime ou carnet de bord, et met en lumière la difficulté d’écrire sur un corps étranger ainsi que le sentiment d’illégitimité qui peut en résulter. Le texte se déploie avec une clarté de pensée et une pudeur émouvante.
Nicolas Julliard/olhor.
Julien Burri, Ce que peut un cœur, éd. La Veilleuse, août 2025.
