Rokhaya Diallo : accueillir l’arrogance féminine comme levier d’émancipation — analyse du livre Dictionnaire amoureux du féminisme et de son engagement médiatique

Économie

Rokhaya Diallo : accueillir l’arrogance féminine comme levier d’émancipation

Dans son livre publié en 2025 et édité par Plon, Dictionnaire amoureux du féminisme, Rokhaya Diallo rend hommage à des figures féminines majeures et appelle à refuser les codes de bienséance, de discrétion, de modestie et d’amabilité. Elle propose d’envisager la colère comme un sujet qui peut être constructif, et présente cela comme une étape vers un mieux plutôt qu’un idéal définitif.

Selon elle, il s’agit d’une déconstruction des injonctions implicites qui traversent nos vies. Quand une femme énonce des idées claires et s’exprime avec fermeté, elle peut être perçue comme insolente ou arrogante. Accueillir ces mots comme des signes d’émancipation est, pour elle, une manière de sortir du cadre imposé.

Un exemple concret évoqué est l’ajout du titre Docteure sur les profils professionnels en ligne, une manière de affirmer une expertise et de gagner en reconnaissance pour ses accomplissements.

Une formation et une présence médiatique engagées

Lors d’une étape en Suisse invitée par le Festival Black Helvetia, elle organise et coanime, à Neuchâtel (23–25 octobre), une formation destinée à démocratiser l’accès à la sphère publique et aux domaines médiatiques, culturels et politiques. Environ quarante femmes participeront à ce programme.

La formation comme réponse à l’inégalité d’accès

Diallo rappelle que la sphère publique est largement dominée par certaines classes sociales et que l’autocensure touche majoritairement les femmes et les personnes issues de minorités. Elle insiste sur l’importance de disposer de connaissances pour s’exprimer plus sereinement dans l’espace public.

Son parcours personnel et les difficultés rencontrées

Elle témoigne de ses débuts difficiles sur les ondes, lorsqu’elle était souvent la seule femme et que ses phrases tendaient à être interrompues. Elle raconte avoir été interrompue et même confrontée à des cris, et souligne que ces expériences l’ont marquée dans son refus d’être étouffée par le silence.

Une remise en perspective sur l’origine des critiques et le rôle du discours

Pour elle, si ce type de situation peut persister, les médias affichent des signes d’évolution : davantage de femmes débattent et commentent l’actualité politique. Elle affirme vouloir contribuer à cette dynamique, tout en précisant que son action ne se limite pas au seul secteur médiatique et s’étend à d’autres contextes professionnels, comme les entretiens d’embauche, le pitching de projets ou les réunions.

Elle insiste sur la nécessité d’un changement systémique et affirme que son travail vise à corriger des mécanismes profonds qui régissent l’accès à l’espace public et économique.

Une remise en question qui peut rassembler

Diallo rappelle que son message s’adresse surtout à un public féminin et racisé, mais aussi à des hommes blancs issus des classes populaires. Elle évoque l’exemple des gilets jaunes en France et le sentiment d’exclusion qui a prévalu dans une partie de la population, tout en évoquant le mépris dont certains ont fait l’objet, y compris de la part de responsables politiques.

Quant aux critiques qui estiment son discours clivant, elle répond que questionner une société perçue comme injuste peut provoquer de l’inconfort. Exprimer que les femmes ont des raisons d’être en colère n’est pas, selon elle, une forme de division mais une manière d’appréhender l’humanité dans sa complexité et, par le dialogue, de rassembler.

Propos recueillis par Pietro Bugnon. Texte web : Pierrik Jordan.