En Suisse, il n’existe aucune statistique pour les adultes. Mais l’ampleur du
sous-diagnostic pourrait être important, au regard des chiffres concernant les
plus jeunes. En effet, plus de 12’000 enfants et adolescents vivant avec un
trouble du spectre autistique (TSA) ont bénéficié d’au moins une mesure de
l’assurance invalidité l’an dernier en Suisse, soit une augmentation de 348%
en 10 ans.
>> Lire et écouter également : Autisme: voir le monde autrement
Le sous-diagnostic peut s’expliquer car l’autisme a été réduit pendant longtemps
à une image caricaturale: un enfant dans sa bulle, avec des retards
développementaux, souvent placé dans une institution. Il faut attendre 2013 pour
que les psychiatres reconnaissent enfin qu’il existe un spectre aux formes très
variées.
> J’ai toujours senti que quelque chose n’allait pas
>
> Patrice, 52 ans
“J’ai toujours senti que quelque chose n’allait pas. J’ai subi du gros
harcèlement scolaire. Je me disais bien que je faisais quelque chose de faux,
mais je ne comprenais absolument pas”, témoigne Patrice, 52 ans, qui vient de
recevoir son bilan.
Lorsque son diagnostic est tombé, il a ressenti “un tsunami”. Aujourd’hui, il se
dit toutefois “content de l’avoir reçu, parce que j’imagine que je vais pouvoir
avoir les outils pour vivre la deuxième partie de ma vie un petit peu moins
difficilement”.
Pour beaucoup, recevoir enfin un diagnostic est un soulagement, le sentiment de
mettre des mots sur des années d’incompréhension.
>> ECOUTER LE TÉMOIGNAGE D’UNE PERSONNE QUI VIT AVEC UN TSA ET QUI RECOURT AU
CAMOUFLAGE SOCIAL POUR INVISIBILISER CE TROUBLE LORS DES INTERACTIONS AVEC
D’AUTRES PERSONNES :
Podcast Dingue.
RTS
Trouble du Spectre de l’Autisme : défis de sociabilisation et intérêts
spécifiques / Dingue / 33 min. / le 3 avril 2023
EFFET MIROIR
Bien souvent, un parent découvre son propre TSA en faisant diagnostiquer ses
enfants. C’est le cas de Francis, 48 ans. “Cela amène de la bienveillance envers
soi-même par rapport au diagnostic”, témoigne-t-il.
Pour décrire son TSA, Francis utilise l’image de l’équipe de foot: il fait
partie des joueurs, mais il doit fournir beaucoup plus d’efforts que les autres,
comme s’il n’avait pas de poumon. Aujourd’hui, il se sent même valorisé grâce au
diagnostic, prenant conscience qu’il se surpasse, car il a un handicap.
COMMENT REPÉRER UN TSA CHEZ UN ADULTE?
Il y a autant d’autismes que d’autistes, soulignent de nombreux professionnels.
Il n’y a donc pas de checklist miracle. Chacun est différent. Certains ont même
un haut potentiel qui leur permet de compenser, parfois d’exceller. Il n’est
donc pas évident de diagnostiquer le TSA.
On retrouve toutefois souvent les mêmes signes: des difficultés à décoder les
relations, des hypersensibilités sensorielles, une fatigue extrême. On parle
même de burn-out autistique.
La psychologue Laetitia Rothenbühler, du centre Enikos à Neuchâtel, constate de
plus en plus de demandes de diagnostic: “Le sentiment d’être un peu décalé, à
côté, revient souvent”. Elle cite également “une fatigue vraiment extrême suite
à des interactions sociales”, par exemple un patient qui met une semaine à se
remettre d’un repas de Noël. Elle souligne cependant que ce type de fatigue
n’est pas forcément lié à un TSA.
LES FEMMES MOINS DIAGNOSTIQUÉES
Les femmes passent encore plus souvent sous les radars. Les critères ont en
effet été élaborés à partir de profils masculins et les femmes développent des
stratégies d’adaptation plus poussées.
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter
des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie
Réseaux sociaux.
Accepter Plus d’info
Pour Sandra, le diagnostic n’est arrivé qu’à 54 ans. Très active
professionnellement dans la vie locale, elle s’effondre en 2017. Etre avec un
peu plus de monde lui faisait l’effet de vouloir gravir l’Himalaya. “Pour moi,
c’est très problématique parce que je vois tout, j’entends tout, je sens tout”.
Sandra raconte aussi son errance diagnostique. Elle a vu cinq psychiatres et
aucun n’a pensé au TSA.
PRISE EN CHARGE COMPLIQUÉE
Après le diagnostic, la prise en charge est compliquée en Suisse: évaluation
psychologique, validation par un psychiatre, puis reconnaissance par l’assurance
invalidité et les caisses maladie.
Les associations prennent souvent le relais. Autisme Suisse romande, par
exemple, recense sur son site les lieux adaptés
aux personnes vivant avec un trouble autistique, comme des salons de coiffure.
En Suisse, il existe des recommandations fédérales pour améliorer le diagnostic
précoce chez les enfants. Mais rien n’est prévu pour les adultes, les grands
oubliés du système. Pourtant, un diagnostic, même tardif, peut changer une
trajectoire: moins d’errance médicale, moins d’épuisement et peut-être aussi des
talents mieux reconnus.
Sujet radio: Zoé Decker
Adaptation web: Julie Liardet
La question du diagnostic tardif fait partie du programme du 3ᵉ Congrès national
de l’autisme, les 7 et 8 novembre 2025 à Interlaken, ouvert au public.