Conflits et négociations autour des tarifs des traitements innovants
Les relations entre les laboratoires pharmaceutiques et les autorités de régulation se tendent autour des prix des traitements innovants. Les premiers estiment que l’innovation n’est pas suffisamment récompensée, tandis que les autorités sanitaires craignent une envolée des coûts dans un contexte politique et financier de plus en plus contraignant.
Des extraits de l’interview de Jérôme Schupp dans le 12h30 du 26 septembre 2025 accompagnent ce sujet.
Contexte international et intervention américaine
La situation est marquée par une intervention notable des États‑Unis. En mai, un décret présidentiel vise à aligner les tarifs des médicaments américains – parmi les plus élevés au monde – sur les niveaux pratiqués dans les pays où le PIB par habitant atteint au moins 60% du niveau américain. Le président a aussi encouragé les pays européens à financer davantage l’innovation en contribuant à ces coûts.
Évolution des coûts et perception de l’innovation
La dynamique des prix se situe dans un tournant où les traitements contre le cancer et les maladies rares se multiplient, mais à des prix élevés pour soutenir leur développement clinique. IQVIA estime que les dépenses liées aux médicaments anticancéreux ont augmenté de 75% sur cinq ans pour culminer à 252 milliards de dollars en 2024.
Karin Steinbach observe que la disponibilité croissante de traitements est globalement positive, mais souligne que ces prix élevés restent nécessaires pour couvrir les coûts de recherche et de développement. Roche précise que la mise sur le marché d’un nouveau traitement représente environ dix ans de travail et un investissement d’environ 5,5 milliards de francs, alors que seulement environ 10% des candidats en essais cliniques finissent commercialisés.
Accords de confidentialité et prix de référence international
Des pays comme l’Italie, l’Espagne et la France ont exigé des remises et rabais afin d’obtenir des prix plus bas et un accès rapide. Les laboratoires ont accepté, à condition que ces accords demeurent confidentiels afin d’éviter que d’autres pays n’exigent des tarifs inférieurs à leurs pairs. Cette opacité fragmente toutefois la lisibilité du prix de référence international, et de nombreux experts estiment que ce modèle présente une image trompeuse depuis plusieurs décennies, selon Thomas Hofmarcher.
Désaccords et retards d’accès
Face à l’impossibilité de réduire les coûts, les États demandent davantage de justification des prix. Presque chaque pays européen dispose aujourd’hui d’une agence d’évaluation des technologies de la santé (HTA) qui évalue tant les effets médicaux que les implications sociales et économiques des traitements.
Les négociations se durcissent et s’allongent, retardant parfois l’accès aux médicaments nouvellement approuvés. En Europe, seulement 29% des traitements approuvés au cours des trois années précédant 2024 étaient accessibles via les systèmes de remboursement centralisés, contre 42% en 2019, selon l’étude W.A.I.T publiée par la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques.
Certaines molécules largement utilisées aux États‑Unis ont été jugées non rentables par des autorités européennes. Le cas du traitement Legembi contre Alzheimer et d’Enhertu pour le cancer du sein illustre ces choix. En juillet, Roche a retiré Lunsumio du marché suisse après que les autorités aient réclamé davantage de preuves pour fixer le prix définitif.
Regard vers l’avenir et réactions
À ce stade, aucune solution claire ne se dégage concernant la fixation des prix. Des analystes estiment que les appels de Donald Trump en faveur de prix plus élevés dans d’autres pays pourraient aggraver les tensions. Thomas Hofmarcher rappelle que les systèmes de santé européens, souvent dépendants de l’État, disposent de marges budgétaires limitées pour financer des soins supplémentaires.
Les observations et analyses citées prennent en compte les contributions de Jessica Davis Plüss (SWI).